En ce début du mois mars, nous avons rencontré Stéphanie Willems et Bertrand Marant. Nous avons échangé sur la Fédération Nationale des Organisations d’Expertises, de Mise en Œuvre et d’Appui aux Parcours de Santé (EMOA), fondée le 7 octobre 2022. Elle est destinée à fédérer les dispositifs issus des ex-réseaux de santé régionaux pour offrir un suivi et une prise en charge graduée, coordonnée et continue des problématiques de santé, tout en respectant les principes éthiques. Au cours de cette interview, nous allons découvrir les missions de cette fédération, leur engagement à soutenir les patients et les professionnels de la santé, ainsi que leur travail passionné pour améliorer la qualité des parcours de santé.

Stéphanie Willems est directrice de l’association Régionale de Néphrologie d’Ile-de-France (RENIF) depuis 12 ans. Elle est également membre du Bureau de la FACS IDF et membre du Conseil d’administration de la FACS nationale. Elle milite pour un parcours de santé mieux coordonné, une meilleure prise en charge des patients de maladies chroniques et rares et une égalité territoriale de santé.

 

Bertrand Marant est coordinateur administratif de RéGéCAP depuis 15 ans. RéGéCAP est le dispositif expert en gérontologie et soins palliatifs de Champagne-Ardenne.
Il est également membre du Bureau de la FACS nationale, membre du Conseil d’administration de CoDAGE (Collectif des dispositifs de ressources et d’appui en Grand Est) ainsi que d’Appui Santé Aube (DAC 10) et de l’Office Rémois des Retraités et Personnes Agées (ORRPA). Il a à cœur de valoriser l’expertise de terrain et de favoriser les interactions interprofessionnelles et la communication afin de répondre aux enjeux locaux de santé publique des territoires au bénéfice des professionnels, patients et usagers.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste la mission de la Fédération EMOA ?

STEPHANIE WILLEMS Nous pourrions résumer les missions de la Fédération en 4 axes :

  • 1er axe – représenter nos adhérents et défendre leurs intérêts auprès des partenaires institutionnels et d’une manière générale auprès de tout organisme public ou privé.
  • 2ème axe – fédérer et rassembler nos adhérents autour de missions et valeurs communes participant à la mise en œuvre et à la coordination des parcours de santé. La Fédération apporte son appui pour permettre notamment l’émergence de propositions et de réflexions dans l’organisation du parcours de santé et du système de santé. Pour ce faire, elle a un rôle majeur portant sur l’animation de la communauté.
  • 3ème axe – promouvoir les expertises des structures/dispositifs spécifiques et de ressources thématiques.
  • 4ème axe – collaborer avec d’autres organisations, associations et fédérations du secteur médical et médico-social afin de mener des initiatives conjointes.

BERTRAND MARANT Le 1er  axe est l’essence même de la création de cette Fédération. Nous n’étions peu ou prou pas représentés au niveau national. Nos adhérents sont de très petites structures dispersées sur le territoire. Ce qui rend leur défense et leur représentation plus compliquées. Or, nous savons aujourd’hui que la clé de notre pérennité est notre union. Un tournant majeur dans la prise de conscience de notre vulnérabilité a été le Décret du 18 mars 2021 relatif aux dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes et aux dispositifs spécifiques régionaux ; nous avons été purement et simplement effacés, supprimés de la liste des DSR.

Il est inadmissible de constater que seuls les dispositifs cancérologiques et de périnatalité ont été reconnus par la loi. Toutes les structures spécialisées dans les maladies rares, les maladies rénales, la sclérose en plaques, la précarité sociale, et bien d’autres, ont été ignorées et n’ont pas été incluses dans le champ juridique. Cette omission est inacceptable, car cela signifie que ces structures se retrouvent aujourd’hui dans un vide juridique. Elles pourront au gré de la politique de chaque ARS disparaître purement et simplement dans un silence assourdissant, avec un corollaire encore plus inquiétant : la disparition de prises en charge et d’expertises très spécifiques et inexistantes ailleurs sur les territoires.

La Fédération existe depuis octobre : comment s’est monté le projet ?

BERTRAND MARANT Comme je viens de vous le dire, ce projet de Fédération a commencé à germer dans la tête de plusieurs directeurs.trices depuis la publication du Décret du 18 mars 2021. Cependant, il a fallu attendre septembre 2022 pour organiser la première réunion nationale d’ex-réseaux régionaux.

STEPHANIE WILLEMS Ce qui nous a poussés à monter ce projet aussi rapidement a été la conjonction de deux éléments : la volonté de la FACS nationale de devenir une fédération de fédérations et la décision de la DGOS d’entamer des discussions qu’avec des fédérations.

Alertés par Elen Legendre, Directrice régionale Normandie Pédiatrie, de l’urgence de la situation, nous avons tous et toutes informé nos contacts respectifs de la nécessité de fonder une Fédération.

Avec l’aide de la FACS IDF, notre Fédération a été créée en moins d’un mois. L’objectif était de pouvoir obtenir un siège au collège 2 de la FACS nationale lors de leur Assemblée générale extraordinaire qui se tenait le 17 octobre 2022 et d’obtenir une meilleure représentativité au niveau national. Ce qui a été couronné de succès puisque nous avons été élus grâce aux régionaux et aux nombreux DAC qui nous ont soutenus !

Concernant le nom de la Fédération, est-ce qu’il s’est imposé, est-ce que vous aviez pensé à d’autres noms et qu’est-ce qui vous a incité à choisir celui-ci ?

STEPHANIE WILLEMS Je ne vous cache pas que quelques débats ont eu lieu sur le nom de cette Fédération. Il nous fallait un nom rassembleur, parlant aussi bien aux anciens réseaux régionaux qu’aux associations de ressources thématiques dans toute la France. Il fallait que le nom de notre fédération reflète les missions de ses membres : les services rendus aux patients (ateliers patients et ETP, amélioration de la prise en charge), l’appui aux professionnels (formation continue, mise à disposition de protocoles et d’outils en lien avec l’expertise de la structure) et enfin les ressources (veille scientifique, appui à la recherche, documentation pour les professionnels).

BERTRAND MARANT Il était important pour nous de mettre en exergue les mots expertises, mises en œuvre et appui afin de refléter l’ensemble de nos organisations. L’acronyme EMOA est venu s’imposer peu à peu. Nous sommes très fiers de notre nom !

Quelles sont les perspectives de la Fédération EMOA pour les prochaines années ? Quels sont les grands défis à relever et les objectifs que vous souhaitez atteindre à moyen et long terme ?

BERTRAND MARANTDans un premier temps, se faire connaître et défendre les valeurs et l’avenir des structures régionales ! Dans un avenir proche, une campagne de communication majeure sera lancée dans le but de faire adhérer un maximum de structures régionales. Il s’agit de les inviter à nous rejoindre afin de porter des valeurs communes, de créer un espace de dialogue, d’échange et de partage.

STEPHANIE WILLEMS L’autre enjeu majeur est également de se faire connaître auprès des autorités tutélaires. Un courrier a été envoyé en début d’année à la DGOS afin de les rencontrer. Deux axes doivent être rapidement discutés : la place des ex-régionaux dans le système de santé, le maintien des files actives de patients pour ceux qui en ont et la dénomination des ex-régionaux au niveau national. Pour l’instant, chaque ARS utilise des acronymes différents pour les évoquer : SRAE, SRE, DRAE, DER, etc. Quelle visibilité cela nous donne-t-il collectivement au national ?

Un dernier mot…

Il nous apparaît de plus en plus primordial de mobiliser rapidement les tutelles ministérielles sur la question de l’avenir de nos structures, certaines sont déjà mises en difficulté dans les réorganisations institutionnelles qui découlent de la Loi OTSS. On risque de se heurter à une perte et à une fuite de compétences, d’expertises, qui seront catastrophiques pour la prise en charge et le suivi des usagers dont nos structures s’occupent. Idem pour toutes les interactions interprofessionnelles créées de longue date.